Poème du  cheikh Ahmad al-‘Alâwî

A yâ murîd Allâh

Source :  E. Geoffroy, Un éblouissement sans fin – La poésie dans le soufisme, Paris, Seuil, 2014., p. 153.

Ce qui est requis du disciple [al-murîd]

Ô aspirant à Dieu,
À ton intention je me répète, alors écoute bien !
Si tu comprends ma parole,
Tu parviendras à Dieu ! 

 Lorsqu’on aborde la relation de maître à disciple, on s’aperçoit qu’il est logique de traiter d’abord le second. En effet, celui-ci a besoin d’un cheikh, tandis que le cheikh ne remplit la fonction de direction initiatique que si se présentent des aspirants : sa sainteté est valide en elle-même, et pour lui-même. Autrement dit, un être peut être réalisé spirituellement sans avoir reçu la mission, la fonction, de guider autrui sur la Voie.

En soufisme, le disciple, l’aspirant, est appelé murîd, « celui qui veut Dieu », ou qui « veut cheminer vers Dieu ». Mais les soufis considèrent que c’est Dieu qui prend l’initiative de le rapprocher de Lui, et que son progrès repose sur la grâce. Le murîd ne se meut que parce que Dieu l’a préalablement « désiré » (murâd), et il ne doit jamais oublier que l’amour divin seul constitue son énergie. Selon l’un des paradoxes de la Voie, « celui qui veut Dieu [al-murîd], précise le cheikh ‘Alâwî, est celui qui n’a aucune volonté propre face à son cheikh, et donc a fortiori face à son Seigneur ». L’aspirant devra cependant faire montre de qualités qui le prédisposent à parcourir la Voie, et parmi elles, d’évidence, il y a bien une intention, une volonté sincère de se réaliser en Dieu.

Source :  E. Geoffroy, Un éblouissement sans fin – La poésie dans le soufisme, Paris, Seuil, 2014., p. 153.

Vous retrouverez ci-dessous un commentaire de ce poème par Eric Geoffroy, suivi du poème chanté selon plusieurs mélodies, puis du texte du poème en arabe et de sa traduction française par Eric Geoffroy.

Refrain du premier chant

Allâh(3x)
Allâh yâ Mawlânâ
Allâh(3x)
Jud ‘alaynâ yâ Karîm

Dieu ! Dieu ! Dieu !
Dieu, Ô notre Maître
Dieu ! Dieu ! Dieu !
Prodigue-nous Tes bienfaits, Ô Généreux !

الله الله الله الله
الله يا مَوْلانا
الله الله الله الله
جُدْ عَلَيْنا يا كَريم

Traduction du poème en français:
« Ô aspirant à Dieu » par Eric Geoffroy

***

Ô aspirant à Dieu, à ton attention je me répète, alors écoute bien !

Si tu comprends ma parole, tu parviendras à Dieu ! 

***

Mets-toi en quête du vin de l’Unicité

Et si tu en veux de surcroît, alors oublie ce qui est autre que Dieu.

***

Invoque le Nom suprême, et résorbe l’univers, grand profit tu en tireras.

Plonge dans la Mer de l’Éternité, car c’est la Mer divine !

***

Plonge dans la Mer des lumières, du sens intime et des secrets,

Éteins-toi à ces demeures, ainsi ton cœur son désir atteindra.

***

Annihile-toi dans l’Adoré, tu goûteras le sens de la contemplation,

Car l’existence procède de la pure Lumière divine !

***

Ce monde, le monde spirituel et le monde divin

Ne sont que des qualifications qui réfèrent à l’Essence.

***

Alors perds conscience des Attributs et éteins-toi dans l’essence de l’Essence,

Car toutes ces variations ne conduisent qu’à Dieu.

***

En Lui est la fin ultime aussi bien que le début,

Maintenant cela apparaît clairement, et donne à l’univers toute sa beauté.

***

L’univers Lui est un miroir et le lieu de manifestation de Ses attributs

Muhammad est la lumière de l’Essence, sur lui la Grâce !

***

Al-‘Alâwî exprime un propos par Lui agréé,

Qui éblouit la raison, vite absorbée par l’Essence divine !

***

Texte du poème en arabe : 
أيا مريدَ اللَه » للشيخ احمد مصطفى العلاوي »

***

أيا مريدَ اللَه نُعيد لَك قولِ اصغَهُ

إذا تفهم قولي بهِ تصِل للَه

***

عليكَ يا مُريد بِخَمرَة التوحيد

وإن تَبغِ المَزيد فالغيرُ عنك انه

***

فاذكر الإسم الأعظَم واطوِ الكون تغنَم

وخُض بحرَ القِدَم فذاكَ بحرُ اللَه

***

وخُض بحر الأنوار المَعنى والأسرار

وافنِ هذي الديار يبلُغ قلبُك مُناه

***

ولتَفن في المعبود تَذوق معنى الشهود

إذ ليس ذا الوجود إلّا من نورِ اللَه

***

المُلك والملكوت كذاك الجبروت

فكُلّها نُعوت والذات مُسمّاه

***

فغِب عن الصفات وافنَ في ذات الذت

هذي تلوُّنات مصيرُها لِله

***

إلَيهِ المُنتهى ومنهُ المُبتدا

والآن قدُ بدا والكونُ في حُلاه

***

لهُ الكونُ مرآت ومظَهرُ الصفات

محمد نور الذات عليهِ صلّى اللَه

***

العلاوي يقول قولاً منهُ مقبول

تَهيم بهِ العُقول تَغيب في ذاتِ اللَه

***

Pour une étude du Dîwân du cheikh Ahmad al-‘Alâwî, voir E. Geoffroy, Un éblouissement sans fin – La poésie dans le soufisme, Paris, Seuil, 2014. Édité avec QR code pour écouter les chants soufis: https://soundcloud.com/editions-du-seuil/sets/egeoffroy.
Pour une traduction du Dîwân voir M. Chabry dans : Cheikh al-‘Alawî – Dîwân, La Caravane, 2017.

Vous pouvez retrouver le Dîwân du cheikh Ahmad al-‘Alâwî en arabe sur ce lien ici, A yâ murîd Allâh est page 69.