Le romancier marocain Abdelillah Benarafa, auteur d’un projet littéraire ambitieux et novateur « le roman ‘Irfânî », autrement dit, spirituel et philosophique à la fois, dont la série publiée jusqu’à aujourd’hui retrace la biographie des plus grandes sommités dans la civilisation arabo-musulmane. Ce projet vise à restituer les moments forts des 15 siècles de cette histoire à travers une œuvre romanesque, qui conjugue la connaissance et la beauté dans le même écrin littéraire.

Après la parution de la traduction de son roman sur Ibn Arabi (Mount Qâf, a Biographical Novel on the Andalusian Ibn Arabi) aux USA en 2015, chez SBPRA, vient de paraître la traduction en français de son roman sur Ghazâlî ,(Tawaseen Al Ghazali, Mystères inédits)  chez les éditions Sagesse d’Orient à Paris en 2016.

Al-Ghazâlî naquit en 450/1058 et mourut en 505/1111 à Tûs, ville du Khorassan en Iran oriental, laissant une œuvre considérable et honoré des titres prestigieux de « Restaurateur de la Religion » et de « Preuve de l’Islam ». Il a été tour à tour docteur de la Loi, théologien dogmatique, philosophe et soufi.

L’auteur du roman nous invite, à l’occasion du 9ème centenaire de sa mort, à revisiter l’extraordinaire destin de cet homme qui a marqué, pendant des siècles et continue de le faire, des générations entières d’hommes en Orient comme en Occident. Très jeune, Il perd ses parents et affronte l’adversité de la vie avec son petit frère Ahmad. Seul un pauvre soufi prend en charge les deux orphelins, jusqu’à l’épuisement du petit pécule laissé par leur père. Ensuite, Al-Ghazâlî quitta sa ville pour aller étudier le fiqh dans une école de Jurjân. Il repassa par Tûs pour aller parfaire son enseignement à Nishapûr, devenue centre intellectuel grâce à la nouvelle politique du vizir seldjoukide Nizâm al-Mulk en faveur du sunnisme. Il séjourna dans cette ville auprès de son maître Juwayni  jusqu’à la mort de celui-ci. Puis, à la demande de Nizâm al-mulk, il alla enseigner dans l’école Nizâmiya de Baghdad. Al-Ghazâlî  devint rapidement la référence intellectuelle suprême dans le monde islamique. Il vit une vie de prince et s’habillait richement, il conseille les sultans et les califes. Mais, après l’assassinat du grand vizir Nizâm al-Mulk, du Sultan Malik Chah et la mort mystérieuse du Calife Al-Muqtafî dans un même intervalle, la vie de Ghazâlî fut complètement bouleversée. Subitement, il perdit l’usage de la parole pendant six mois, et décida de renoncer aux fastes et de vivre comme un indigent. Habillé d’une bure, il quitta Baghdad pour Damas, puis Jérusalem. Il commença la composition de son œuvre magistrale Al-’Ihyâ’ (la Revivication) au cours d’une retraite spirituelle qui a duré dix ans. Il projetait même de venir s’installer au Maroc, auprès d’un prince juste, Yusuf  Ibn Tashfin, lorsqu’il apprit sa mort et qu’il n’était pas en odeur de sainteté auprès de son successeur, remonté par des Qâdî (juges) andalous envieux.

La trame du roman accompagne, avec finesse et maîtrise, les moindres faits de ce destin hors pair, et s’insinue dans les méandres de cette vie complexe pour restituer tout à la fois les tourments qui rongeaient cet homme et les illuminations qui l’élevaient. Le livre évoque son amour avec la belle et savante Hawâ, ses fréquentations du cercle des Frères de la pureté(Ikhwân As-safâ), sa découverte de la citadelle imprenable d’Alamût et de son « paradis » peuplé de vierges et de délices oùHassan Sabbâh, le Sheikh de la montagne, promettait monts et merveilles à ses sbires (les fameux « assassins ») pour les inciter à attaquer ses adversaires. L’ouvrage révèle aussi sa peur d’être tué par ces fédayins ismaéliens après avoir percé leur secret dans la citadelle ; ses controverses théologiques et ses réfutations philosophiques, puis son bonheur d’avoir retrouvé, enfin, la certitude suprême des soufis.

Aujourd’hui, le monde connaît une série de crises. L’instant Al-Ghazâlî est un moment décisif qui nous permet de nous ressourcer auprès de cette grande figure de l’islam, afin de retrouver le sens des choses et l’équilibre nécessaire qui caractérise le vrai croyant.