La métaphysique de l’imagination

par Daryush Shayegan

Daryush Shayegan, Henry Corbin: Penseur de l’islam spirituel, Paris, Albin Michel, 2011.

Inroduction

Il nous faudrait écrire tout un livre pour être en mesure d’expliquer dans ses facettes multiples tout ce que Corbin a pu dire au sujet de ce monde de l’imaginal qui caractérise si bien, selon lui, la spécificité propre de l’univers spirituel iranien. Sohrawardî a été le premier à en fonder ontologiquement le rang, mais il apparaît déjà dans la cosmologie d’Avicenne. C’est le fil invisible qui constitue la mémoire du monde iranien et qui se renouvelle et se métamorphose à chaque assaut de l’étranger, à chaque coupure que lui imposent les innombrables envahisseurs qui traversent le plateau iranien. Paradis hyperboréen, le Var de Yima dans le livre sacré de l’ancienne Perse et Lumière-de-Gloire (Xvarnah) dans la cosmologie zoroastrienne, elle réapparaîtra dans le « huitième climat » de tous nos philosophes : d’Avicenne jusqu’à Hâdî Sabzavârî, en passant par Sohrawardî et Mollâ Sadrâ sans compter la contribution des grands poètes visionnaires. Elle est cette source éternellement fraîche où l’âme de l’Iran puise son identité et les trésors spirituels que lui ont légués ses ancêtres. « De siècle en siècle, dit Corbin, la méditation des penseurs iraniens a porté son effort sur le statut d’un monde qui n’est ni celui de la perception empirique ni celui de l’entendement abstrait. L’idée de cet univers intermédiaire reparaît depuis Sohrawardî (XII e siècle), jusqu’à Sadrâ Shîrâzî (XVII e siècle), Hâdî Sabzavârî (XIX e siècle) et tant d’autres jusqu’à nos jours. Cet univers, ils l’ont désigné de noms différents : tantôt par référence aux sept climats de la géographie traditionnelle, ils l’ont désigné comme le “huitième climat” ; tantôt plus techniquement, comme le ’âlam al-mithâl. »

Ce « huitième climat » a de multiples résonances tant au niveau de l’ontologie que de la cosmologie et de l’angélologie. Il fonde une métaphysique des Images où celles-ci acquièrent une valeur cognitive et noétique propre. Car les Images surgissent non pas de l’inconscient mais de la surconscience ; elles sont donc de ce fait des Images intellectives. Pour les distinguer nettement de l’imaginaire qui en tant que « folle du logis » ne sécrète que du fictif et de l’irréel, Corbin forgea le terme d’imaginal. Le monde de l’Imaginal, ’âlam al-mithâl, est le monde où ont lieu les visions des prophètes, des mystiques et les événements de l’âme, événements aussi réels que ceux du monde sensible mais qui ont lieu à un autre niveau de l’Être.

Disons tout d’abord que le monde de l’imaginal s’intègre dans le schéma d’une cosmologie qui se traduit en angélologie. L’Image métaphysique devient la pensée de l’Ange, le mode de sa spatialisation propre ; elle a une étendue et une dimension, « une matérialité “immatérielle”, certes, par rapport à celle du monde sensible, mais enfin, une “corporalité” et une spatialité propres » ; l’espace de conjonction où l’âme humaine et l’Ange s’imaginent l’un et l’autre. Pour bien distinguer la qualité intellective de l’Image de sa nature estimative ou si l’on veut l’imaginal de l’imaginaire, Sohrawardî nous fait signifier que lorsque c’est l’Intellect qui la féconde, l’imagination devient un ange, c’est-à-dire une faculté cogitative et méditative (mofakkir). En revanche lorsque l’estimative (wahm) fait irruption en elle, elle se transforme en fantaisie (motakhayyila) et devient un démon (infra, Livre IV, chap. III, 3). D’où sa place ambiguë tantôt déterminée par l’intellect, tantôt égarée par l’estimative.

Si l’Image intellective est la matière subtile de l’Ange, c’est qu’elle est un Intermonde entre l’Intelligible et le sensible, bénéficiant d’une existence autonome et d’une puissance transfiguratrice propre. Ce monde intermédiaire assure en premier lieu la continuité et la progression aux niveaux ontologiquement supérieurs ; il est le situs des événements de l’âme, des récits visionnaires si importants dans les états contemplatifs de la mystique ; il rend possible l’articulation d’un langage symbolique puisque les images se transmuent en ce lieu mi-spirituel, mi-sensible (Geistleiblichkeit) dans lequel les impressions subliminales de l’âme paraissent sous formes symbolisées – et cela aussi bien au niveau de l’anticipation eschatologique qu’au niveau posthume du devenir de l’âme (corps subtil de résurrection). Ce monde, étant un dévoilement intérieur, est une inversion du temps et de l’espace : ce qui était caché sous les apparences se révèle soudainement pour envelopper ce qui était jusqu’alors extérieur ; l’invisible se fait ainsi visible ; il est donc situatif et non situé 80 . Le passage à ce monde exige un revirement du temps des horizons en temps de l’âme, donc une herméneutique spirituelle (ta’wîl). Finalement, ce monde projette, en raison de sa faculté de métamorphose, une géographie visionnaire avec ses cités fabuleuses, ses montagnes, ses sources et ses fleuves. 

Un monde intermédiaire des Images

Corbin, dans le prélude à la deuxième édition de Corps spirituel et Terre céleste intitulé Pour une charte de l’Imaginal, écrit : « Il y a longtemps… que la philosophie occidentale, disons la philosophie “officielle”, entraînée dans le sillage des sciences positives, n’admet que deux sources du Connaître. Il y a la perception sensible, fournissant les données que l’on appelle empiriques. Et il y a les concepts de l’entendement, le monde des lois régissant ces données empiriques. Certes, la phénoménologie a modifié et dépassé cette gnoséologie simplificatrice. Mais il reste qu’entre les perceptions sensibles et les intuitions ou les catégories de l’intellect, la place est restée vide. Ce qui aurait dû prendre place entre les uns et les autres, et qui ailleurs occupait cette place médiane, à savoir l’imagination active, fut laissé aux poètes. Que cette imagination active dans l’homme (il faudrait dire Imagination agente, comme la philosophie médiévale parlait de l’Intelligence agente) ait sa fonction noétique ou cognitive propre, c’està-dire qu’elle nous donne accès à une région et réalité de l’Être qui sans elle nous reste fermée et interdite, c’est ce qu’une philosophie scientifique, rationnelle et raisonnable ne pouvait envisager. Il était entendu pour elle que l’Imagination ne sécrète que de l’imaginaire, c’est-à-dire de l’irréel, du mythique, du merveilleux, de la fiction, etc. . »

Le monde imaginal, étant intermédiaire, est bi-dimensionnel, c’est ce qui le différencie des deux autres : par chacune de ces deux dimensions il symbolise l’univers auquel cette dimension correspond. L’esprit, pour apparaître à la vision du cœur, descend en ce monde et s’y habille de formes et d’étendue ; les données sensibles s’y transmuent en symboles par l’organe de l’imagination théophanique. C’est ici, dit ’Abdorrazzâq Lâhîjî, que se matérialisent subtilement les accidents et se corporalisent les résultantes des actes. D’où la qualité subtile, la matière diaphane de son mode d’être qui incita Sohrawardî à le qualifier de monde des « images suspendues ». C’est l’empreinte de ce monde que l’on découvre dans les images vues sur les miroirs, les formes polies à l’excès, les sources transparentes, les eaux miroitantes, les mirages flottants, etc. Situé entre deux types d’être sans appartenir à aucun d’eux, mais rendant possible leur inter-action et leur simultanéité consubstantielle (où l’un se revêt de forme pour apparaître – esprit – et où l’autre se dépouille de sa matière), il est ce qui soude ces deux modes d’être par l’effet synchronique de la coïncidence. « Si nous ne disposons pas, dit Corbin, d’une cosmologie dont le schéma puisse contenir, comme celle de nos philosophes traditionnels, cette pluralité d’univers en ordre ascensionnel, notre Imagination restera désaxée, ses conjonctions récurrentes avec la volonté de puissance nous seront une source intarissable d’épouvante. »

Le monde de l’Imaginal et la science des miroirs

Le monde de l’Imaginal met en œuvre, disions-nous, une science des miroirs, transparition que Corbin traduit par le « phénomène du miroir ». « La substance matérielle du miroir, métal ou minéral, dit-il, n’est pas la substance de l’image, une substance dont l’image serait un accident. Elle est simplement le “lieu de son apparition” (…). L’Imagination active est le miroir par excellence, le lieu épiphanique des Images du monde des archétypes ; c’est pourquoi la théorie du mundus imaginalis est solidaire d’une théorie de la connaissance imaginative et de la fonction imaginative. » Une « image en suspens » n’est ni matérielle ni purement spirituelle ; elle est l’entre-deux. D’une part, elle a une forme immatérielle, d’autre part l’esprit y apparaît revêtu d’une forme propre. Et c’est ce que mit en œuvre, par exemple, l’idée d’Iltibâs (amphibolie) chez un Rûzbehân de Shîrâz (cf. infra, Livre V, chap. III, 3). Pour le sensible, le visible a ainsi un double sens (amphibolie) ; il est et n’est pas à la fois. Toute théophanie est un miroir qui tout en révélant l’être n’en recèle pas moins la dimension cachée, de même que le miroir, montrant l’image qui s’y manifeste, renvoie à ce qui reste voilé au-delà de l’image. L’amphibolie présuppose ainsi une transfiguration qui rend possible le point de jonction de ce double sens : elle est ce qui conduit de la dualité du voyant et du vu, à l’union théophanique où ils inversent pour ainsi dire leur rôle : l’Amant perçoit à présent toutes choses avec le regard transfigurateur de l’Aimé. Grâce au phénomène du miroir il perçoit maintenant la face humaine transfigurée au niveau de la Face divine, et c’est avec l’œil de l’Aimé qu’il redécouvre la face humaine de sorte que l’Amant, l’Aimé et le lien les réunissant ensemble deviennent homochrome (hamrang). Or ce phénomène n’eût pu être effectué si la vision elle-même ne restait à une distance égale d’un double écueil qui est le ta’tîl (la réduction du tout à l’absolu inconditionné) et le tashbîh (la réduction du tout à la multiplicité). C’est en d’autres termes en sauvant le « phénomène » qu’on sauve par là même la valeur noétique de l’Image, c’est-à-dire de l’Icône en la préservant contre l’idolâtrie. C’est aussi cette « science du regard » (’ilm-e nazar) axée sur la vision théophanique de l’Image métaphysique qui fait d’un poète comme Hâfez un « Joueur de regard » (nazar-bâz). Car le « joueur de regard » ne voit pas le monde comme un objet, ni en tant que chose représentée, posée là en face de nous, mais comme un Jeu d’Images réfléchies sur les miroirs ensorcelants de l’univers, étant et n’étant pas à la fois. Le regard visionnaire du poète est un Jeu qui a pour enjeu le Jeu par lequel la Divinité regarde le monde, et Hâfez de conclure :

« Si la face divine devient l’épiphanie de notre regard

Il n’y a pas de doute que tu es à présent le possesseur du regard. »

L’inversion du Temps et de l’Espace

Dans le récit intitulé Le bruissement des ailes de Gabriel de Sohrawardî (infra, Livre IV, chap. III, 2), apparaît une figure qui, chez Avicenne, se nommait Hayy ibn Yaqzân (Vivant, fils du Veilleur) mais qui chez Sohrawardî s’appelle l’Archange empourpré (’aql-e sorkh). À la question du pèlerin qui se retrouve déjà à un autre niveau de l’être, la réponse de l’Archange est celle-ci : « je viens de Nâ-kojââbâd».

Ce terme ne figure guère dans le dictionnaire persan et a été forgé par Sohrawardî lui-même. Littéralement, il signifie le pays (âbâd) du Non-où (Nâ-kojâ), c’est-à-dire une localité mystérieuse se trouvant en quelque sorte « au-delà » de la montagne psycho-cosmique Qâf. L’au-delà de Qâf n’est point repérable sur nos cartes tout comme les cités mythiques de Jâbalqâ, Jâbarsâ et Hûrqalyâ. Topographiquement, cette région commence « à la surface convexe » de la IXe Sphère, la Sphère des Sphères, celle qui englobe l’ensemble du cosmos. Elle éclôt ainsi à l’endroit où on sort des coordonnées de notre monde et de la sphère à laquelle se réfèrent les points cardinaux. Ayant franchi cette limite-là, la question où (kojâ) perd tout son sens. D’où le nom Nâ-kojâ-âbâd. Un lieu hors du lieu, un « lieu » qui n’est pas contenu dans un lieu, dans un topos.

Mais franchi ce seuil il se fait une sorte d’inversion de temps et d’espace : ce qui était caché sous les apparences se révèle soudainement, s’ouvre et enveloppe ce qui était jusqu’alors extérieur. L’invisible se fait visible. Désormais c’est l’esprit qui enveloppe et contient la matière. La réalité spirituelle n’est plus dans le où. C’est en revanche le « où » qui est en elle. Elle est, dit Corbin, elle-même le « où » de toutes choses. « Son lieu (son âbâd) par rapport à celui-ci, c’est Nâ-kojâ (non-où), parce que son ubi par rapport à ce qui est dans l’espace sensible est un ubique (partout). »

Ce lieu n’est pas « situé mais situatif». En d’autres termes c’est l’espace privilégié de l’âme qui se révèle à elle-même, qui montre son propre paysage (le Xvarnah) transfigurant en données symboliques les Figures censées reproduire les réalités spirituelles. On n’y accède que par une rupture soudaine avec les coordonnées géographiques. En fait on inverse son regard : on y voit à présent toutes les choses avec les yeux de l’âme. Y pénétrer est donc un extasis, un déplacement furtif souvent inconscient et un changement d’état. Souvent le pèlerin ne s’en aperçoit qu’avec émerveillement ou une inquiétude qui lui communique un goût étrange de dépaysement. « On se met en route ; à un moment donné se produit la rupture avec les coordonnées géographiques repérables sur nos cartes. Seulement, le voyageur n’en a pas conscience au moment précis ; il ne s’en aperçoit, avec inquiétude ou avec émerveillement, qu’après coup (…). Or il ne peut que décrire là où il fut ; il ne peut montrer la route à personne. »

L’Outremonde post-mortem des formes imaginales

Nous avons déjà dit que le monde de l’Imaginal est absolument indispensable pour éviter un hiatus dans l’échelle de l’être. Dès lors l’Imaginal ne s’identifie pas aux Idées platoniciennes, mais présente un degré intermédiaire entre le monde des Idées et le monde sensible. Pour bien représenter son importance à tous les niveaux et surtout sa fonction essentielle pour la résurrection dans la vision eschatologique des mystiques et des philosophes, Corbin nous attire l’attention sur ce fait que le monde en question se situe à vrai dire dans un double Intermonde tant au niveau de l’arc de la Descente (nozûl, le passage de l’Un au multiple) qu’au niveau de l’arc de la Remontée par lequel tous les êtres créés aspirent à rejoindre leur source originelle. Situé sur l’« arc de la Descente » cet Intermonde est désigné comme la cité de Jâbalqâ, c’est-à-dire le monde de l’Imaginal en tant que tel, précédant ainsi ontologiquement le monde des phénomènes sensibles. Mais en revanche, considéré sous l’angle du Retour, il est la Cité d’ombre de Jâbarsâ. Il est donc situé sur l’arc de l’Ascension, c’est-à-dire à un niveau ontologiquement postérieur au monde sensible, puisqu’il marque si l’on veut le seuil fatidique de la résurrection. Il est par conséquent le monde post-mortem des formes actualisées de l’âme, le monde des corps subtils archétypiques. Tout ce qui existait en puissance dans l’âme, comme les impressions subtiles, issues des habitudes acquises, des comportements moraux, des résultantes des actes, y apparaît sous formes conformes à la qualité des impressions dont elles procèdent. Ainsi l’Imaginal apparaît-il sur l’arc de la Remontée, constitué principalement de corps subtils et archétypiques (jism mithâli). Cette puissance de symbolisation et de typification, comme le dit Corbin, est liée à l’imagination active de l’âme. C’est l’âme (la Forme) qui est principe d’individuation, nous dit Sadrâ Shîrâzî. Elle est ainsi « pure forme » et en tant que Forme, elle est aussi une substance séparée et indépendante de la matière du corps physique (jawhar majarrad ’an mâddat al-badan). Et comme ces « Formes imaginatives » subsistent à la manière dont une chose subsiste par son agent actif (fâ’il) et non pas à la façon dont une chose persisterait par son réceptacle passif (qâlib), l’Imagination est donc essentiellement une Imagination active.

Cette imagination active va donner à l’âme une puissance de créativité, de configuration (taswîr) et de typification (tamthîl). Mais cette créativité de l’âme fait en sorte que celle-ci ait la faculté d’anticiper les visions eschatologiques. La vision de l’outremonde peut avoir lieu soit dans cette existence même en vertu des expériences mystiques grâce auxquelles l’âme anticipe les visions eschatologiques, soit quand l’âme accède, par la résurrection mineure qu’est la mort, aux intermondes post-mortem. Quoi qu’il en soit le principe – que ce soit en ce monde-ci ou dans l’outremonde – est le même : l’âme reproduit, configure son monde.

Pour conclure, nous pourrions dire que le monde de l’imaginal embrasse dans toute son ampleur l’histoire de l’âme : entre une préhistoire qui est l’histoire de sa descente dans le monde et une posthistoire qui est l’histoire de son retour à Dieu, se situe la hiérohistoire des événements de l’âme ; il est donc de ce fait la clef qui nous ouvre à la fois la « phénoménologie de la conscience angélique » et l’histoire post-mortem du devenir de l’âme dans son chemin de retour vers Dieu.

Pour tout ce qui est de la géographie visionnaire de ce monde intermédiaire et de son rapport avec les archétypes de la cosmologie mazdéenne comme le Xvarnah, l’Eran-Vej, et du symbolisme des cités d’émeraude : Jâbalqâ, Hûrqalyâ, situées au-delà de la montagne psychocosmique de Qâf, etc., nous renvoyons le lecteur à un des ouvrages les plus intéressants de Corbin : Corps spirituel et Terre céleste. Dans une première partie, Corbin consacre des pages fort évocatrices à la géographie visionnaire du mazdéisme et le symbolisme de la terre des visions et de la terre de résurrection dans la gnose irano-islamique ; et dans une deuxième partie non moins suggestive, il nous offre un choix judicieux de textes traditionnels allant de Sohrawardî jusqu’aux représentants contemporains de l’École Shaykhie en passant par Dawûd Qaysârî, Mollâ Sadrâ Shîrâzî et beaucoup d’autres encore.

Quant aux conséquences de la perte de ce monde qui fut « exilé du schéma de l’Être » en Occident et dont la perte catastrophique réduisit la réalité à la seule dimension des faits empiriques, provoquant ainsi la « rationalisation de l’Esprit », nous en reparlerons plus loin à la conclusion de ce livre, lorsque nous traiterons de l’actualité de la pensée d’Henry Corbin.

 

Par Daryush Shayegan

Source: Daryush Shayegan, Henry Corbin: Penseur de l’islam spirituel, Paris, Albin Michel, 2011.

Daryush Shayegan a été professeur d’études indiennes et de philosophie comparée à l’université de Téhéran ainsi que directeur du Centre iranien pour l’étude des civilisations. Il a notamment travaillé avec Henry Corbin. Il est l’auteur de L’âme de l’Iran, Qu’est-ce qu’une révolution religieuse ?, Hindouisme et Soufisme, Schizophrénie culturelle : les sociétés islamiques face à la modernité, tous parus aux éditions Albin Michel.