LE BOUDDHISME offre une sagesse d’une rare pertinence pour notre temps. Car avant d’affirmer une quelconque croyance, des dogmes, des vérités qui auraient été révélées par un Dieu particulier, elle nous invite à nous tourner vers l’espace intérieur. Ici et maintenant.
Cette expression d’espace intérieur est limpide pour autant que l’on réussisse à entendre qu’il n’est pas notre moi-moi-même et encore moi mais cette dimension de présence ouverte que chacun peut éprouver. Lui donner droit ce n’est pas une façon de se regarder le nombril, mais une manière de s’ouvrir à l’inconnu. D’être pleinement présent. Telle est précisément la sagesse : sortir de soi-même pour être en un rapport apaisé avec la réalité. Nous ne sommes pas, en effet, limités à notre identité. Je peux être un homme ou une femme, avoir tel trait de caractère ou tel autre, telle profession et tels engagements. Ces déterminations ne disent pas la vérité entière de mon être. La tradition bouddhique nous invite précisément à découvrir cet être que nous sommes et qu’aucune caractéristique ne peut saisir.
Or, plus que jamais, cette dimension de notre être est partout oubliée. Nous sommes appelés à être plus efficace, à faire toujours plus d’effort, à ne pas nous écouter. On nous considère le plus souvent par rapport à nos fonctions. Et nous n’en pouvons plus. La souffrance des Occidentaux qui pourtant ont une richesse matérielle importante, inégalée dans l’histoire de l’humanité, en témoigne. L’angoisse, la solitude et l’isolement, la détresse touchent des millions de gens parce que chacun est privé de l’écoute de son être. Comment vivre dans un monde auquel on aurait retiré une dimension ? Or sans la dimension intérieure qui permet de s’ouvrir aux autres et au monde, nous vivons un peu comme dans un monde à deux dimensions – plat, écrasé et sans vie.
Ceci pris en compte, il est aisé de répondre à la question habituelle : le bouddhisme est-il une religion ou une philosophie ?
— Il n’est pas tout à fait comme nos religions, car il ne repose pas au premier chef sur la croyance en un Dieu. Il ne demande aucun acte de foi dans un Dieu créateur. Aucune croyance. Il demande d’apprendre à être un être humain. À être plus amplement humain. Tout simplement.
— Il n’est pas tout à fait une philosophie, car bien plus qu’à penser il nous demande d’être. Et c’est pour cette raison que le cœur de la voie du Bouddha est la pratique de la méditation.
Mon engagement principal est d’enseigner la pratique de la méditation. J’ai fondé pour ce faire l’École Occidentale de Méditation ouverte à tous, quels que soient leur religion ou leur état d’esprit. Car en réalité, peu importe ce à quoi vous croyez, peu importent vos difficultés. La méditation s’adresse à tous. Elle demande de découvrir comment nous regardons les choses et les êtres. Ne plus seulement considérer que si je suis triste ou en colère, c’est la faute des autres ou des circonstances. Mais découvrir comment notre propre esprit colore le monde. La méditation nous apprend ainsi à ne plus être prisonnier de nos pensées, de nos émotions, de notre histoire. À découvrir la liberté. À devenir plus adulte.
Il existe cependant un contresens important : la méditation n’est pas une forme de relaxation, une façon de chercher à faire le vide dans la tête et d’atteindre le calme. Non. Elle est inséparable d’une certaine entente de la manière de vivre et d’aimer. Elle est ancrée dans la voie bouddhique. Le bouddhisme en ce sens n’est pas une doctrine parmi d’autres, mais une façon de décrire ce qui se montre quand l’on pratique la méditation.
Dans ce petit livre, j’ai rassemblé des citations présentant les grandes notions de la voie du Bouddha qui nous enseigne que la méditation ne consiste pas seulement à entrer dans le moment présent, mais aussi à voir la réalité en face, avec courage. Qu’elle nous apprend à dépasser la peur. Et que cette attitude s’incarne dans une manière d’être et d’agir qui constitue l’éthique bouddhique faite de douceur et de bienveillance.
Enfin, cet engagement à donner droit à la dimension intérieure et à un sens de présence nue ouvre pleinement le cœur. L’action du Bouddha est tout entière l’amour, le souci des autres, la bienveillance la plus parfaite.
La voie bouddhiste est ainsi ultimement la voie de la grande compassion, c’est-à-dire de l’amour sans limite, qui sait donner et se donner pour que le monde soit plus habitable.
Par Fabrice Midal
Fabrice Midal, Sagesses du Bouddhisme, éd. First, 2012.
Fabrice Midal est docteur en philosophie, et a travaillé avec de nombreux penseurs et scientifiques tels que Francisco Varela, François Fédier et François Roustang. La philosophie telle qu’il l’a exercée n’est pas la quête d’une sagesse éthérée mais l’interrogation critique de la situation de notre monde et de nos sociétés. Elle suit l’exemple de Socrate, qui demande à tous ceux qui ont des responsabilités sociales, politiques et économiques quelles sont les formes de violence et d’ignorance qu’ils favorisent. Pour plus d’informations : https://www.fabricemidal.com/fabrice-midal/