L’imam al-Busîrî est né en 1211, dans le sud de l’Égypte, et mort à Alexandrie en 1294. C’est au Caire qu’il poursuivit ses études, notamment littéraires. Il eut également le privilège de compter au nombre des disciples du célèbre soufi Abû al-‘Abbâs Ahmad al-Mursî.
Sa production poétique, d’inspiration essentiellement religieuse, est prolifique. Mais avant tout, il est connu en tant qu’auteur de deux grands poèmes laudatifs dédiés au Prophète : la Burda [1] et la Hamziyya.
Selon certaines études, sa Burda n’est rien de moins que le poème le plus récité dans le monde. En effet, du Maroc à l’Indonésie, les soufis en font le support de chants à la gloire du Prophète. Elle compte également parmi les textes que les élèves apprennent par cœur dans de nombreuses écoles coraniques. C’est vrai aussi pour le poème qui nous intéresse ici, la Hamziyya, et dont la notoriété suit le droit sillage de la Burda.
Les 457 vers de la Hamziyya sont construits sur la rime « â’u »[2], c’est-à-dire sur une hamza[3] finale, d’où son nom. Il s’agit d’un panégyrique, mais comme la plupart des pièces du genre, il se construit sur un récit biographique, plus ou moins ordonné, reprenant des passages notoires de la vie du Prophète.
Nous proposons ici la traduction des premiers vers de la Hamziyya. Un passage de ce même poème est interprété ici par l’artiste-peintre Faiza Tidjani.
Comment, en ton haut lieu, se tiendraient les prophètes,
O toi, ciel dont les cieux n’atteignent point le faîte ?
A égaler jamais de ton rang l’éminence,
Contrevint l’absolu de ta magnificence.
Les Envoyés, ainsi, reflètent tes mérites,
Telle, en sa moire, l’eau, les astres d’or imite ;
Car tu es le flambeau de toutes les vertus,
Et tout lustre, de toi, la splendeur restitue.
L’essence des savoirs du Seigneur seul te vint,
Puis c’est d’elle qu’Adam connut les noms divins.
Dieu ne cessa, au sein de l’humain univers,
De désigner pour toi les mères et les pères.
Nulle époque n’échut, sans que ne nous prévienne
La voix d’un messager de ta venue prochaine.
Un noble t’engendra, qui d’un noble enfanté,
De ses aïeux reçut la noble parenté.
Si belle est ta lignée qu’on en croirait la gloire,
Ses astres en collier, des Gémeaux[4] recevoir !
Or de ce fier joyau, que d’honneur ornemente,
Tu es, au cœur logé, la pierre étincelante !
Présentation et traduction par Idrîs de Vos ; illustration de Faïza Tidjani
Faiza Tidjani est née à Constantine en Algérie, l’artiste-peintre est imprégnée depuis l’enfance par la spiritualité soufie. C’est à cette source qu’elle puise son inspiration artistique pour produire des compositions graphiques subtiles : les textes les plus emblématiques de la littérature soufie sont mis en scène, calligraphiés, puis ornementés d’illustrations dont les noms divins constituent la trame. Chaque œuvre devient alors un support de contemplation, une prière, un dhikr.
Parmi ses œuvres :
– Hamziyyat al-imam al-Busîri, illustration, 2018.
– Burdat al-imam al-Busîri, illustration, La Burda du désert, Science sacrée 2015.
– Sur les pas du Bien-aimé et du Bien-aimant, 2011.
– Le périple des oiseaux, 2009.
– La mémoire ancestrale, 2008.
[1] La Burda est un des noms donnés aux poèmes dédiés à l’éloge du Prophète, en référence au célèbre poème de Ka‘b Bnu Zuhayr.
[2] Les poèmes arabes se construisent sur une rime unique du début à la fin, même si le texte compte mille vers. Mais notons que la rime en arabe est beaucoup plus facile qu’en français.
[3] En arabe, la hamza est principalement le support des voyelles sans consonnes.
[4] Trois étoiles situées au centre de la constellation des Gémeaux sont appelées « ordre » ou « ordonnancement » (nazm). En littérature, elles sont le symbole de l’ordre.